vendredi 28 mars 2014

Népal : Danse sacrée tibétaine

Monastère de Shéchen, Bodnath

Introduction:

            L’invasion du Tibet par la republique populaire de Chine en octobre 1950, provoque un important mouvement d’exode de la population tibétaine, fuyant la «réeducation» à la chinoise et la famine issue des mesures économiques imposées par Pékin.
Le Népal est considéré comme le berceau de Boudha, nombreux sont les lieux retraçant son passage. Ainsi plus de 15000 refugiés vivent au Népal. Beaucoup de monastères Tibétains se sont construits dans la vallée de Katmandou, se concentrant enssentiellement autour de la Stupa de Bodnath.
Qu’est-ce que le Bouddhisme ? Voici la définition qu’en donne le Dalai Lama dans Introduction au bouddhisme Tibétain :

«Nous autres bouddhistes croyons que tous les êtres passent par des naissances succesives et s’efforcent au cours de cette série de vies, de parvenir à la perfection de la bouddhéité (c’est-à-dire la nature même de Bouddha, état que tout être est capable de réaliser).
Nous ne supposons pas que cette perfection sera realisée en une seule existence, bien que ce soit possible. Entre le corp et l’esprit d’un homme, nous considérons que c’est l’esprit qui est supérieur ; la parole et le corps lui sont soummis.
Le péché n’affecte pas la nature intrinsèque de l’esprit. L’esprit essentiel est naturellement pur. Les péchés sont les imperfections des aspects secondaires et peripheriques de l’esprit. Dans la recherche de l’illumination, ces imperfections sont éliminées une à une des zones péripheriques, et lorsqu’elles ont toutes été élliminées l’êtres est parvenu à la perfection, à la bouddhéité.»

Le bouddhisme Tibétain prône l’élévation de l’esprit par la recitation de textes sacrés (mantras) et par la pratique de la méditation.



1) Le contexte:

            La cérémonie auquelle nous avons assisté, au monastère de Shéchen, se nomme : Le Kama Chal Cham. C’est une forme de Cham, danse sacrée, rituel artistique dans la pratique du bouddhisme tibétain. Il se pratique à l’intérieur du monastère, et permet de bénir et de purifier le sol, qui servira à construire un mandala dans l’espace par les «moines danseurs».
(Mandala : Figure circulaire représentant l’univers dans l’iconographie Hindoue et Bouddhiste)
Ces «moines danseurs» sont géneralement choisit très jeune et suivent l’enseignement avec un maître de danse.
            Cette danse sacrée, realisée toujours le jours de l’anniversaire de Khyentse Wangpo, sert d’ouverture au Drubshen (forme traditionnel de retraite méditative durant environs dix jours). Pour de grands Lamas (religieux), participer à cette retraite peut donner les mêmes résultats que sept années de retraite solitaire. Le Kama Chal Cham a été realisé pour sanctifier la terre à la construction du monastère Samye, premier monastère édifié au Tibet. C’est un rituel à la force visuelle très importante, elle permetrait à son audience de se liberer de ses maux.



2) Description de la cérémonie:

            La représentation se déroule dans le hall principal du monastère, sous l’oeil bienveillant de gigantesques Bouddhas. L’assemblée, composée de moines et de familles bouddhistes, sont assis en tailleur tout autours de la pièce. Le grand Lama du monastère préside, siegeant sur son trône. Il règne ici une ambiance méditative, très encline à la contemplation.


            Au centre de la pièce, disposés en position rectangulaire, vingt-neufs danseurs tournent en rond au rhytme des tambours (Nga, Phossang) et des mantras. Ils dessinent des formes geometriques dans l’espace, et figurent des mudras par leurs mouvements (bien differents de ceux employés dans la danse classique indienne). Leurs robes de soie aux couleurs flamboyantes rapellent le kimono japonais, et leurs casques hornés de plumes de paons leurs donnent une allure guerrière, nous faisant penser aux coiffes mongoles. Le costume plonge aussitôt l’audience dans une autre realitée. Les danseurs sont divisés en quatre famille de couleurs (blanc, jaune, rouge, vert), ils sont dirigés par un choryphé qui combine les quatre couleurs sur sa coiffe.
            De temps en temps, de jeunes moines distribuent une collation, épongent leur transpiration, arrangent leurs costumes. Le rituel dure toute la journée sans intteruption, le repas prenant part à la ceremonie.


            L’ordre créé par les danseurs dans l’espace est à un moment perturbé par l’entrée de quatre danseurs masqués. Vétus de peaux de bêtes, armés d’épées, leurs masques representant des figures démoniaques ils intérrompent la procession. Les longues trompes (doungtchen) résonnent bruyament et la cadence des percussions s’accelère. Dans le Cham tradionel, ils se nomment Atsara, mais nous ici les nommeront «Bouffons sacrés». Ils sautent, courent, s’agitent dans l’espace dans une danse tribale, imitant les moines, s’emparant des objets du rituels. Ils brisent l’ordre établi avant de se faire chasser par le choryphé.
Puis la ceremonie reprend son cours et l’espace est purifié à nouveau.



3) Le propos:

C’est là que cela devient compliqué... Cette partie là est le fruit d’entretiens fait avec des moines, et d’un document manuscrit de notes en anglais qui nous a été gentilment prêté, et de maintes recherches faites pour le déchiffrer.



            Les moines danseurs representent des Heruka, du sanskrit «celui qui est constament dans la joie». Ce sont des émanations de Bouddha qui, mélant sagesse et compassion, aident l’audience à sortir de ses souffrances. Dans une profonde concentration, ils arrivent méditatif et plantent la graine qui permet au pratiquant d’aller vers l’eveil.
            Ils sont divisés en quatre famille, ayant chacune une fonction. Les blancs (Diamant/Vajra) ont le pouvoir de pacifier les choses. Les jaunes (Joyaux/Ratna) apportent la croissance et l’abondance. Les rouges (Lotus/Padma) ont une fonction de magnetisme, transformant les mauvaises energies en energies positives. Les vert (Karma) ont pour vocation de libérer les esprits.


            Le choryphé (ou Vajra master) combine ces quatres fonctions, il represente la manifestation provenant du Dharmakaya (union du corp et de l’esprit). Pour façonner le mandala, il doit atteindre l’êtat de Sambhogakaya (le mérite, l’accomplissement). C’est lui qui visualise les obstacles et les surmonte, c’est lui qui chasse les bouffons sacrés de l’enceinte du monastère. Aussi, il orchestre aux autres danseurs la voie à suivre. Par exemple, il leur chante : «Maintenant visualisez les huit roues du chakra dans le ciel», «Benissez la terre en faisant le lotus aux huit pétales».


            Dans le Kama Chal Cham, chaque mouvement est un mudra representant ce qui est dans l’absolue l’essence des choses. Ils décrivent ainsi les ornements des Heruka, par exemple ; geste de la main à l’oreille figurant des boucles d’oreilles.
            Mais le but de la cérémonie est de visualiser et de façonner métaphoriquement un mandala. Il est construit avec tout les éléments : eau, air, feu, terre. D’abord ils bénissent le sol ensuite ils visualisent leur personnage d’Heruka et leurs attributs. Puis, ils façonnent le ciel. Cela peut parraitre un peu abstrait, par exemple, c’est en découpant l’air par des gestes triangulaires qu’ils arrivent à visualiser une sphère qui sera le ciel du mandala. Après l’intervention des bouffons sacrés, par des mouvements du corps dans l’espace, ils construisent des barrières et un toit. Puis ils visualisent le mont Meru (considéré comme le centre du monde) et y font naître un palais en son sommet, demeure des dieux.
Le rituel est ainsi accomplit, le lieu est bénie, et la puja de dix jours peut maintenant commencer.



Conclusion

            Nous nous rendons compte que cet article n’est pas évident à saisir. Déja pour nous, il n’a pas été facile de poser les choses sur papier. Pour vraiment comprendre le fond, il nous semble important d’avoir une connaissance approfondie du bouddhisme, ce qui n’est pas notre cas. Il nous a fallut faire beaucoup de recherches, ce qui donne à ce document un côté très universitaire.
Comme le dit Mathieu Ricard, porte parole français du Dalaï Lama, «Les danses sacrées sont l’expression d’un partage spirituel mais aussi le témoignage d’un peuple qui après avoir subit un génocide humain vit aujourd’hui un génocide culturel.» Ainsi, il nous paraissait important de garder une trace écrite de ce que nous avions vu.



La théâtralité n’est pas si présente pour des non-initiés, cela reste avant tout un rituel bouddhiste mais il n’en demeure pas moins un support de travail pour nous. Des pistes à saisir qui pourrait faire le lien :
-Rapprochement du travail de visualisation avec la méthode Stanislavki : tout comme le moine visualisant le Mont Meru, l’acteur doit savoir aussi invoquer de son imaginaire des élèments pour les rendre réels.
-Le travail du choeur par Lecoq : Un des exercices primordial pour aborder son théâtre corporel est de donner à l’acteur l’outil du travail de choeur qui passe par l’équilibre du plateau. Ici nous avons trouvé une magnifique précision dans la construction de l’espace.
-Le travail du Bouffon : Déja dans le Teyam du Kerala, un Bouffon jouait avec cette bivalence entre sacrée et profane. Ici nous retrouvons le même esprit mais avec une plus profonde notion de transgression.


A méditer...

jeudi 13 mars 2014

Mahabalipuram : on se remet doucement de notre aventure dans le Kerala!




Bon voilà, on arrive au dernier article de notre trip en Inde. 

Prenant notre avion pour Katmandu à Chennai (dans le Tamil Nadu), on a choisit de se poser quelques jours à 1h d'içi dans un petit village de pêcheur qui s'est transformé au cour des années en vrais station balnéaire. On a été très étonné par la quantité de touristes français en ces lieux, sans doute la proximité de l'ancien comptoire français Pondichérry. 

Il faut toujours choisir où commence notre voyage et puis à un certain moment, on en vient à choisir un endrois où il se finit. Pour tout dire la plage est pas top, mais ce n'est pas ça qui nous a attiré (même si notre petite chambre avec balcon vu sur la mer était bien agréable), c'est plutôt son patrimoine historique. Ce qui est intérressant c'est que l'ancienne civilisation des pallava qui a laissé tous ces vestiges impressionnants, est partie envahir Bali, Sumatra et le Cambodge, rayonnant entre le VIe et VIIIe siècles. 

On va les suivre ces Pallava, puisque le 13 avril direction Bali, pour faire un workshop dans une fondation d'art. Et oui, on perd pas le nord, encore du théâtre traditionel! 

Avant Bali et l'Indonésie, petit détour par le Népal. Pourquoi ? du théâtre encore ? non mais on a bien le droit de prendre des vacances un peu. Et puis j'ai entendu parlé de la danse masqué tibétaine... A voir si au détour d'un temple, on arrive à capter quelques images...

Et faut vous avouer que les chatons ont été tout tristounet de quitter la magnifique région du kérala. En 3 mois, on commence à faire parti du décors, on se recréé une petite famille et un petit quotidien. C'était pas si facil que ça de reprendre la route, nous sommes des êtres sensibles et dire aurevoir n'est pas notre moment préféré...

Aujourd'hui cela fait une semaine que nous sommes arrivés à Kathmandu et pour tout vous dire on se repose. Le voyage à long terme ça fatigue et il faut garder les idées claires pour continuer d'avancer et surtout d'apprécier ce que l'on voit. Il nous paraissait important de vous faire partager au travers de nos articles cette expérience, même si tenir un blog c'est du boulot. On aurait pu écrire un roman entier sur notre expérience en Inde et on a des tonnes de photos encore dans notre disque dure, mais il faut faire des choix, on garde encore comme ça quelques surprise pour notre retour...

En attendant notre premier article sur le Népal, on vous fait à tous la bise de Katmandu! N'hésitez pas à nous laisser des commentaires, ça nous fait toujours très plaisir de vous lire...

La boule de beurre de Krishna


Pour notre petit Krishna

Le carroussel made in India

La fête forraine

Le Chat Yogi

Le poète chelou

ça bronze pour les meuh-meuh sacrés

Kollam en poudre de riz

5 chars en pierre pour 5 divinités

Sculpture de Shiva, mi-homme/mi-femme

Temple de Shiva

Ca monte bien quand même!

Vue du haut du temple de Shiva

Vie autour du temple

Temple au sculptures colorées

mardi 11 mars 2014

Les étrangers sur scène!


Kalamandalam c'est aussi un endroit où des artistes du monde entier viennent à la rencontre de ces arts traditionnels. Et de temps en temps, après avoir bien tappé du pied dans un kalari, l'effort paye.
La personne a alors l'opportunité de présenter son travail face au public kéralais. Même si les possibilitées de présentations sont beaucoup plus limités pour les étrangers, tout cela dépend du maître a-titré et de sa réputation.


On a apprécié regarder notre colocataire argentine danser merveilleusement un solo de mohini attam, une danse dévotionelle, traditionelle du Kérala.


Shankar, un étudiant venant du Sri Lanka est souvent amené à danser sa danse traditionnelle dans certains temples.



Quand on dit que le ridicule ne tue pas, c'est vrais. On prenait quelques cours de chant carnatique et à quelques jours de notre départ, nous avons eu la surprise d'apprendre que nous allions chanter en public. En public, ok, mais il faut savoir que le public concerné était composé pour sa majorité de personnes entre 12 et 17ans... C'était en effet pour la fête de l'école et ces ados était plus que surexcité! On a quand même fait pêté le sari, mieux vaut aller completement dans l'auto-dérision!

Pas si evident que ça à mettre et juste insupportable à garder toute une journée sur soi! On a vraiment du mal à comprendre les femmes indiennes!!!!



Et enfin, un magnifique duo de Kathakali, interprété par laurene (une française qui étudie à Kalamandalam depuis 3ans) et celui qu'elle considère comme son petit frêre, Shankar (un Sri lankais qui est arrivé en même temps qu'elle). Outre que partager leur quotidien, ils ont réalisés un travail magnifique sur un passage du Mahabarata qui raconte les retrouvailles entre deux frêres (Hanuman le dieux singe et Bhimasena).








L'expérience d'une nuit de Theyyam



Le Kérala est extrèment riche au niveau de son patrimoine culturel. 
Nous vous avons beaucoup parler de Kathakali car c'est ce que nous avons decidé d'étudier plus en profondeur. Mais nombre de danses, de formes artistiques et de rituels s'épanouissent et se jouent chaque jour dans les temples du sud de l'inde. Une de ses formes nous a beaucoup marqué et nous avons decidé d'en consacrer un article : le Theyyam, un des plus anciens arts rituels kéralais. Il remonterait à une periode ayant précédée l'hindouisme (d'où ce côté "fête païenne", sans doute) où il servait à célébrer la fin des moussons.







Brievement, qu'est ce que c'est? (question assez compliqué dont la reponse est faite à base de nos observations et des quelques informations que l'on a pu glâner dans l'audience)

Comme la plus part de nos expériences spectaculaires dans le kérala, on se retrouve telle une page blanche face à un monde de culture et d'histoires. Notre regard de non-initié explore ce vaste territoire artistique, avec pour seul compagnon notre imagination et notre soif de curiosité.












Ce que l'on peut dire c'est que ce n'est ni du théâtre ( si l'on considère que le théâtre a pour vocation de raconter une histoire) et ni de la danse (de même, si l'on considère que la danse nait d'une chorégraphie).

C'est un rituel complexe, qui se déroule la nuit jusqu'en milieu de journée. Des "performer" se succèdent dans des costumes toujours plus lourd, toujours plus impressionnant.



Appuyés par la musique hypnotique des percussion, par quelques pas de danse frénétiques et par des prières et des offrandres au dieux, ils doivent rentrer en transe (il nous est difficile d'utiliser ce mot qui renvoit à tant de conotations particulières mais c'est le mot qui nous a été donné) afin de rentrer en contact avec les esprits du divin. Une fois l'effet escompté, ils bénissent l'audience, récitent des mantras, répondent aux questions des dévots. 


Ce qui nous a beaucoup intérressé c'est de voir se détacher à chaque performance, des personnages differents, avec un caractère et une utilité différente. Notre préféré, celui que l'on a appellé "l'agitateur".





 Celui-ci ne s'arrête pas de la nuit. Lorsqu'il entre tout le monde se met à lui courrir après avec des torches enflammées. Il saute partout, renverse tout sur son passage. Il sert de distraction pendant des intermèdes souvent très long, il permet à l'audience de ne pas s'endormir, il est très apprécié des enfants.




On y a vu un personnage à caractère follement clownesque. Sans doute il porte la couronne la plus légère, mais il apparait au alentour de 4h du mat, et il ne se repose pas un moment, à midi il tente d'être toujours aussi dynamique (on nous a dit par la suite que ce rituel pour les participants était très souvent accompagné de boissons alcoolisés et de produits illicites...).





La première fois que l'on a entendu parlé de cette étrange forme artistique qui amène à la transe, cela nous a tout de suite beaucoup intrigué. Les chatons n'hésitant pas plus longtemps et ont décidés de se rendre à Kannur (dans le nord du Kerala, bastillon important de cette tradition). Nous montons dans le train avec un autre couple de chat bien sympa. De bouche à oreille, on a réussit à recueillir quelques adresses de temples, où la performance doit se dérouler.

Après multes péripéties, nous arrivons vers 4h du matin dans un tout petit temple dédié à Shiva. 

Comme d'habitude, on est les seuls blanc, l'assemblée est assez surprise et enthousiaste de nous voir débarquer içi. On passera un moment très conviviale avec eux. Certains étant même un peu trop collant à notre goût.













Les performances s'enchaînent et le public va et vient. Pour le personnage que l'on a appellé "celle qui a le feu au fesse", la foule est plus qu'au rendez-vous, rassemblée autour du feu. 



Croulant de fatigue et étouffé par la chaleur environnante, nous décidons de mettre un terme à cette expérience. Il est déja midi (cela fait environ 8h que l'on regarde des scènes qui nous paraissent, avec la fatigue, de plus en plus absurde). "Quel domage!", nous disent les personnes autour de nous, "vous allez manquer le costume avec la couronne de 12m de haut!" 
Ok, on a sans doute manqué le clou du spectacle, mais il en valait pour notre survie mental!!!


On vous laisse apprécier les photos qui on était prise pour la plus part par Clotilde, notre copine chat... (les chatons faisant leur paresseux ce jours là...)