Introduction:
L’invasion
du Tibet par la republique populaire de Chine en octobre 1950, provoque un
important mouvement d’exode de la population tibétaine, fuyant la «réeducation»
à la chinoise et la famine issue des mesures économiques imposées par Pékin.
Le Népal est considéré comme le berceau de Boudha,
nombreux sont les lieux retraçant son passage. Ainsi plus de 15000 refugiés
vivent au Népal. Beaucoup de monastères Tibétains se sont construits dans la
vallée de Katmandou, se concentrant enssentiellement autour de la Stupa de
Bodnath.
Qu’est-ce que le Bouddhisme ? Voici la définition
qu’en donne le Dalai Lama dans Introduction
au bouddhisme Tibétain :
«Nous autres
bouddhistes croyons que tous les êtres passent par des naissances succesives et
s’efforcent au cours de cette série de vies, de parvenir à la perfection de la
bouddhéité (c’est-à-dire la nature même de Bouddha, état que tout être est
capable de réaliser).
Nous ne
supposons pas que cette perfection sera realisée en une seule existence, bien
que ce soit possible. Entre le corp et l’esprit d’un homme, nous considérons
que c’est l’esprit qui est supérieur ; la parole et le corps lui sont soummis.
Le péché n’affecte
pas la nature intrinsèque de l’esprit. L’esprit essentiel est naturellement
pur. Les péchés sont les imperfections des aspects secondaires et peripheriques
de l’esprit. Dans la recherche de l’illumination, ces imperfections sont
éliminées une à une des zones péripheriques, et lorsqu’elles ont toutes été
élliminées l’êtres est parvenu à la perfection, à la bouddhéité.»
Le bouddhisme Tibétain prône l’élévation de l’esprit
par la recitation de textes sacrés (mantras) et par la pratique de la
méditation.
1) Le contexte:
La
cérémonie auquelle nous avons assisté, au monastère de Shéchen, se nomme : Le Kama Chal Cham. C’est une forme de Cham, danse sacrée, rituel artistique
dans la pratique du bouddhisme tibétain. Il se pratique à l’intérieur du
monastère, et permet de bénir et de purifier le sol, qui servira à construire
un mandala dans l’espace par les
«moines danseurs».
(Mandala
: Figure circulaire représentant l’univers dans l’iconographie Hindoue et
Bouddhiste)
Ces «moines danseurs» sont géneralement choisit
très jeune et suivent l’enseignement avec un maître de danse.
Cette
danse sacrée, realisée toujours le jours de l’anniversaire de Khyentse Wangpo,
sert d’ouverture au Drubshen (forme
traditionnel de retraite méditative durant environs dix jours). Pour de grands
Lamas (religieux), participer à cette retraite peut donner les mêmes résultats
que sept années de retraite solitaire. Le Kama Chal Cham a été realisé pour
sanctifier la terre à la construction du monastère Samye, premier monastère
édifié au Tibet. C’est un rituel à la force visuelle très importante, elle
permetrait à son audience de se liberer de ses maux.
2) Description de la cérémonie:
La
représentation se déroule dans le hall principal du monastère, sous l’oeil
bienveillant de gigantesques Bouddhas. L’assemblée, composée de moines et de
familles bouddhistes, sont assis en tailleur tout autours de la pièce. Le grand
Lama du monastère préside, siegeant sur son trône. Il règne ici une ambiance
méditative, très encline à la contemplation.
Au
centre de la pièce, disposés en position rectangulaire, vingt-neufs danseurs
tournent en rond au rhytme des tambours (Nga,
Phossang) et des mantras. Ils dessinent des formes geometriques dans l’espace,
et figurent des mudras par leurs mouvements (bien differents de ceux employés
dans la danse classique indienne). Leurs robes de soie aux couleurs
flamboyantes rapellent le kimono japonais, et leurs casques hornés de plumes de
paons leurs donnent une allure guerrière, nous faisant penser aux coiffes
mongoles. Le costume plonge aussitôt l’audience dans une autre realitée. Les
danseurs sont divisés en quatre famille de couleurs (blanc, jaune, rouge,
vert), ils sont dirigés par un choryphé qui combine les quatre couleurs sur sa
coiffe.
De
temps en temps, de jeunes moines distribuent une collation, épongent leur
transpiration, arrangent leurs costumes. Le rituel dure toute la journée sans
intteruption, le repas prenant part à la ceremonie.
L’ordre
créé par les danseurs dans l’espace est à un moment perturbé par l’entrée de
quatre danseurs masqués. Vétus de peaux de bêtes, armés d’épées, leurs masques
representant des figures démoniaques ils intérrompent la procession. Les
longues trompes (doungtchen)
résonnent bruyament et la cadence des percussions s’accelère. Dans le Cham
tradionel, ils se nomment Atsara,
mais nous ici les nommeront «Bouffons sacrés». Ils sautent, courent, s’agitent
dans l’espace dans une danse tribale, imitant les moines, s’emparant des objets
du rituels. Ils brisent l’ordre établi avant de se faire chasser par le
choryphé.
3) Le propos:
C’est là que cela devient
compliqué... Cette partie là est le fruit d’entretiens fait avec des moines, et
d’un document manuscrit de notes en anglais qui nous a été gentilment prêté, et
de maintes recherches faites pour le déchiffrer.
Les
moines danseurs representent des Heruka, du sanskrit «celui qui est constament dans la joie». Ce sont des émanations de
Bouddha qui, mélant sagesse et compassion, aident l’audience à sortir de ses
souffrances. Dans une profonde concentration, ils arrivent méditatif et
plantent la graine qui permet au pratiquant d’aller vers l’eveil.
Ils
sont divisés en quatre famille, ayant chacune une fonction. Les blancs
(Diamant/Vajra) ont le pouvoir de
pacifier les choses. Les jaunes (Joyaux/Ratna)
apportent la croissance et l’abondance. Les rouges (Lotus/Padma) ont une fonction de magnetisme, transformant les mauvaises
energies en energies positives. Les vert (Karma)
ont pour vocation de libérer les esprits.
Le
choryphé (ou Vajra master) combine
ces quatres fonctions, il represente la manifestation provenant du Dharmakaya (union du corp et de l’esprit).
Pour façonner le mandala, il doit atteindre l’êtat de Sambhogakaya (le mérite, l’accomplissement). C’est lui qui
visualise les obstacles et les surmonte, c’est lui qui chasse les bouffons
sacrés de l’enceinte du monastère. Aussi, il orchestre aux autres danseurs la
voie à suivre. Par exemple, il leur chante : «Maintenant visualisez les huit roues du chakra dans le ciel», «Benissez la terre en faisant le lotus aux
huit pétales».
Dans
le Kama Chal Cham, chaque mouvement est un mudra representant ce qui est dans l’absolue
l’essence des choses. Ils décrivent ainsi les ornements des Heruka, par exemple
; geste de la main à l’oreille figurant des boucles d’oreilles.
Mais
le but de la cérémonie est de visualiser et de façonner métaphoriquement un
mandala. Il est construit avec tout les éléments : eau, air, feu, terre. D’abord
ils bénissent le sol ensuite ils visualisent leur personnage d’Heruka et leurs
attributs. Puis, ils façonnent le ciel. Cela peut parraitre un peu abstrait,
par exemple, c’est en découpant l’air par des gestes triangulaires qu’ils
arrivent à visualiser une sphère qui sera le ciel du mandala. Après l’intervention
des bouffons sacrés, par des mouvements du corps dans l’espace, ils
construisent des barrières et un toit. Puis ils visualisent le mont Meru
(considéré comme le centre du monde) et y font naître un palais en son sommet,
demeure des dieux.
Le rituel est ainsi accomplit, le lieu est bénie,
et la puja de dix jours peut
maintenant commencer.
Conclusion
Nous
nous rendons compte que cet article n’est pas évident à saisir. Déja pour nous,
il n’a pas été facile de poser les choses sur papier. Pour vraiment comprendre
le fond, il nous semble important d’avoir une connaissance approfondie du
bouddhisme, ce qui n’est pas notre cas. Il nous a fallut faire beaucoup de
recherches, ce qui donne à ce document un côté très universitaire.
Comme le dit Mathieu Ricard, porte parole français
du Dalaï Lama, «Les danses sacrées sont l’expression
d’un partage spirituel mais aussi le témoignage d’un peuple qui après avoir
subit un génocide humain vit aujourd’hui un génocide culturel.» Ainsi, il
nous paraissait important de garder une trace écrite de ce que nous avions vu.
La théâtralité n’est pas si présente pour des
non-initiés, cela reste avant tout un rituel bouddhiste mais il n’en demeure
pas moins un support de travail pour nous. Des pistes à saisir qui pourrait
faire le lien :
-Rapprochement du travail de visualisation avec la
méthode Stanislavki : tout comme le moine visualisant le Mont Meru, l’acteur
doit savoir aussi invoquer de son imaginaire des élèments pour les rendre
réels.
-Le travail du choeur par Lecoq : Un des exercices
primordial pour aborder son théâtre corporel est de donner à l’acteur l’outil
du travail de choeur qui passe par l’équilibre du plateau. Ici nous avons
trouvé une magnifique précision dans la construction de l’espace.
-Le travail du Bouffon : Déja dans le Teyam du
Kerala, un Bouffon jouait avec cette bivalence entre sacrée et profane. Ici
nous retrouvons le même esprit mais avec une plus profonde notion de transgression.